Nous devons changer radicalement notre façon de valoriser la nature et d’aligner la finance sur les objectifs de conservation. Tel était le message principal adressé au secteur financier lors de la COP16, la Conférence des Nations unies sur la biodiversité, qui a récemment accueilli les dirigeants du monde entier à Cali, en Colombie. Deux ans auparavant, la COP15, tenue à Montréal, avait permis de définir des mesures pour stopper et inverser la perte de la nature grâce à l’adoption du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, tout en mettant en lumière l’interrelation entre la biodiversité et la finance.
Depuis la COP15 de Montréal, la communauté mondiale comprend davantage que les entreprises et la nature sont inextricablement liées. Selon McKinsey, « 100 % de l’économie dépend à 100 % de la nature, mais toute la valeur de la nature n’est pas reconnue dans l’activité économique ». Les scientifiques ont chiffré à 700 milliards de dollars par an le déficit de financement de la biodiversité, même si ce chiffre ne représente qu’une fraction de l’ensemble des besoins d’investissement dans la nature.
La prochaine étape sur la voie de la carboneutralité consiste à intégrer pleinement la nature dans la stratégie des entreprises, à gérer les risques liés à la nature et à financer des modèles d’entreprise qui favorisent la croissance économique et la création d’emplois, sans compromettre la conservation et la restauration de la biodiversité. En d’autres termes, il s’agit d’arrimer climat, nature et prospérité.
Trois faits saillants de la COP16 sur l’intégration optimale de la nature nous propulsent vers la COP29, où les thèmes de la biodiversité et du climat convergeront autour de la « triple crise planétaire », à savoir le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution.
Le premier? Nous devons continuer à promouvoir le regroupement des meilleures solutions financières. Chez FinDev Canada, l’une de nos premières transactions en 2019 a été un investissement dans Eco Enterprises Fund III, un fonds spécialisé en solutions basées sur la nature. À notre prise de participation de près de 13 millions de dollars américains, nous avons ajouté une assistance technique afin que le gestionnaire du fonds puisse aider les petites et moyennes entreprises des secteurs de l’agriculture, de l’agroforesterie et de l’écotourisme d’Amérique latine axées sur la biodiversité à mieux gérer les risques, une approche de financement spécialisée combinant deux instruments de façon unique.
Avant la COP16, nous avons également déployé des instruments financiers adaptés pour mieux soutenir l’économie bleue, tels que les obligations bleues. L’Objectif de développement durable (ODD) 14 des Nations unies, Vie aquatique, est le moins financé des ODD, et les obligations bleues contribuent à canaliser davantage de capitaux vers des secteurs tels que l’écotourisme dans les zones côtières, les installations de traitement de l’eau et la production durable de produits de la mer, y compris les pêcheries. De telles initiatives génèrent des retours financiers et protègent des écosystèmes essentiels.
Avec son partenaire IDB Invest, FinDev Canada a participé avec succès à deux obligations bleues émises par des banques locales au Costa Rica et en Équateur. Puisque le financement de petites sommes demeure un défi pour les prêteurs, le modèle des obligations thématiques permet aux partenaires locaux de répertorier des projets de financement de la nature à plus grande échelle, catalysant ainsi plus de financement vers des activités qui favorisent la gestion durable des ressources naturelles, y compris les écosystèmes marins.
Le deuxième point important que nous retenons de la COP16, c’est l’importance accrue accordée à l’intégration de la nature dans les plans d’affaires. Bien que FinDev Canada ait été l’une des premières organisations à inclure le climat et la nature dans ses objectifs d’impact, nous devons mettre au point des mesures plus précises adaptées aux impacts et aux dépendances de la nature afin d’intégrer systématiquement la nature dans notre processus d’investissement. Les recommandations et les orientations en matière de déclaration que le Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures, ou TNFD) formule à l’intention du secteur privé aideront les entreprises, qui doivent désormais rendre compte des risques et des occasions liés à la nature et agir en conséquence.
Enfin, il y a la notion qu’en regroupant de petits bâtons dans un paquet, il est impossible de les casser. Plus il y aura de partenariats entre le public, le privé et la société civile, plus la nature et les entreprises auront de chances de prospérer et de réduire les émissions à zéro. Pour parvenir à ce résultat, un meilleur alignement de politiques et règlements favorables à la nature, de la demande des consommateurs et de normes industrielles rigoureuses est nécessaire. Le dialogue intersectoriel est un moyen de rassembler divers acteurs pour mettre en commun le savoir-faire local.
Le financement de la nature n’en est qu’à ses débuts et il reste encore beaucoup à faire pour intégrer largement la valeur de la nature dans le processus décisionnel des entreprises. Bien qu’un nombre croissant d’investisseurs privés assistent maintenant à des événements comme la COP16, ils n’en sont qu’aux premières étapes de leur parcours vers le financement de solutions basées sur la nature. Les institutions de financement du développement doivent continuer à soutenir le secteur privé pour mieux harmoniser le financement et les objectifs en matière de nature et de biodiversité, créer de la valeur à long terme et placer les objectifs et les rapports « climat et nature » au cœur des activités.
« Faire la paix avec la nature est la tâche déterminante du 21e siècle. Choisissons avec sagesse », a déclaré le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, dans son discours de clôture de la COP16 la semaine dernière.
En moins de deux ans, nous avons commencé à « choisir avec sagesse » et les COP sur la diversité ont ouvert la voie à des progrès mesurables. Nous souhaitons maintenant que la COP29 en Azerbaïdjan soit un autre espace où des partenaires se mobiliseront de manière stratégique et où progresseront des initiatives concrètes pour intégrer la nature et créer l’élan nécessaire à la mobilisation de capitaux en faveur de la croissance économique et de la prospérité de demain.