Alors que notre planète est aux prises avec la menace des changements climatiques, il est plus pressant que jamais d’accélérer le processus de décarbonisation. Mais qu’est-ce que la décarbonisation, exactement? La décarbonisation (aussi appelée décarbonation) comporte deux grands volets : la prévention et la séquestration. La prévention vise à éliminer ou à réduire le dioxyde de carbone (CO2) relâché dans l’atmosphère lors de la combustion de combustibles fossiles, alors que la séquestration vise à capter et à stocker le CO2 présent dans l’atmosphère afin d’atténuer les effets des changements climatiques.
Dans le monde de la finance, cela prend souvent la forme d’investissements dans la séquestration du carbone ou d’actifs réaffectés dans des solutions plus propres et durables, comme l’énergie renouvelable, aux dépens des secteurs fortement axés sur les combustibles fossiles. Tous ces efforts coûtent cher, mais l’argent est là. En effet, les banques et les investisseurs institutionnels gèrent des actifs d’une valeur de 120 billions de dollars américains. Imaginez l’impact décisif qu’auraient ces fonds s’ils étaient redirigés dans des investissements sobres en carbone et respectueux de la nature!
Marchés émergents : le chaînon manquant pour atteindre les cibles mondiales de décarbonisation
Il est indispensable d’investir dans les marchés émergents et les économies en développement pour atteindre le net zéro d’ici 2050, freiner l’augmentation moyenne de la température à 1,5 °C et éviter l’aggravation et les répercussions potentiellement irréversibles des changements climatiques. Selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, les pays émergents ont à eux seuls besoin d’investissements dans l’énergie renouvelable à hauteur de 1,7 billion de dollars chaque année pour éviter de dépasser le cap du 1,5 °C. Mais les fonds publics disponibles ne suffisent pas à combler ce déficit de financement.
Malgré la hausse récente des fonds investis dans les marchés émergents, ces derniers ne reçoivent qu’une fraction du financement nécessaire, notamment en raison de facteurs liés à l’investissement dans les marchés émergents qui vont au-delà du climat : stabilité macroéconomique et politique, uniformité des politiques, taux de change, rapatriement du capital, et respect de la primauté du droit.
Fort de ses capitaux et de sa capacité d’innovation, le secteur privé a un rôle crucial à jouer pour accélérer la décarbonisation dans les marchés émergents. Mais pour que le secteur privé délie les cordons de la bourse, il faut de la clarté et de la stabilité. Cela nous mène donc à la question suivante : Comment les secteurs public et privé peuvent-ils accélérer le rythme de la décarbonisation et combler le déficit d’investissement dans l’énergie propre?
1. Les États doivent mettre en place des politiques, des règlements et des mesures incitatives pour accélérer la décarbonisation et créer un cadre propice aux investissements privés.
Les politiques et mesures incitatives de décarbonisation n’existent pas en vase clos : elles s’intègrent à un univers plus large de cadres politiques, juridiques, réglementaires et institutionnels. Pour que leurs politiques climatiques donnent les résultats escomptés, les pays émergents doivent mettre en place un marché prévisible et stable.
Parmi l’éventail d’outils disponibles, notons la mise en place de cibles en matière d’énergie renouvelable, de normes d’efficacité énergétique, d’objectifs climatiques, de cadres de tarification du carbone, de subventions, de crédits d’impôt liés au carbone, de rapports sur la durabilité et de déclarations obligatoires.
Les pays émergents ne sont pas tous à la même étape de leur cheminement. Le Costa Rica et l’Afrique du Sud font partie des pays qui ont pris les devants et qui innovent sur le plan des politiques et des mesures incitatives. Le programme national de décarbonisation du Costa Rica mise sur des taxes sur le carbone et des mesures incitatives pour encourager les entreprises à réduire leur empreinte carbone et mobiliser des investissements privés, le tout en appui à l’ambition du pays de devenir carboneutre d’ici 2050. En Afrique du Sud, le programme Renewable Energy Independent Power Producer Procurement Programme encourage l’investissement privé dans les énergies renouvelables pour réduire la dépendance du pays à l’égard des combustibles fossiles. L’Afrique du Sud a également promulgué une loi sur les changements climatiques (Climate Change Act) dans laquelle est définie la réponse nationale aux changements climatiques et les mesures d’atténuation et d’adaptation à prendre, ce qui permet au pays de contribuer équitablement aux efforts mondiaux déployés pour contrer les changements climatiques.
2. Pour que les politiques et règlements donnent les résultats souhaités, le secteur privé doit mettre à profit ses capitaux et sa capacité d’innovation.
La décarbonisation de la finance recèle des occasions uniques de croissance, d’innovation et de développement durable dans tous les secteurs, un solide argument commercial pour inciter le secteur privé à investir. Explorons d’un peu plus près deux domaines porteurs à cet égard.
- Infrastructures durables : Dans un contexte de croissance démographique et d’urbanisation accélérée, des bâtiments, des moyens de transport et des villes durables sont plus que jamais indispensables. Aujourd’hui, 80 villes comptent plus de 5 millions de personnes, et 34 villes ont une population supérieure à 10 millions d’habitants. D’ici 2050, on prévoit que 7 personnes sur 10 vivront dans des centres urbains et que la population mondiale atteindra 9,7 milliards de personnes. Pour soutenir tous ces gens, des infrastructures durables sont indispensables, mais restent pour la plupart à construire. Des sources d’énergie propre et renouvelable sont nécessaires, particulièrement du côté de la production, du stockage et de la distribution d’énergie solaire et éolienne, du stockage hybride ou dans des batteries et de la géothermie. Les possibilités d’investissement sont là.
- Innovation et solutions technologiques : L’innovation et la technologie peuvent également contribuer à réduire les émissions de carbone, à mettre en place des mesures d’adaptation et à accroître la résilience aux changements climatiques, qu’il s’agisse d’efficacité énergétique, de captage et d’entreposage de carbone, de véhicules électriques, d’agriculture durable, de pratiques d’économie circulaire, ou encore de gestion de la résilience et des risques climatiques pour mieux nous adapter à la nouvelle réalité climatique. Investir dans ces technologies peut créer de nouveaux débouchés et des emplois, et rendre les entreprises de l’économie verte plus concurrentielles.
Combler ces écarts de financement, c’est notre motivation à FinDev Canada. Nous reconnaissons le rôle essentiel des villes et nous y voyons l’occasion de soutenir les infrastructures du marché intermédiaire pour répondre à des besoins non comblés. Nous avons par exemple investi dans Maranatha Energy Investment pour accroître la production nationale d’énergie renouvelable en République dominicaine et ainsi contribuer à la transition du pays vers l’énergie propre.
Nous savons également que le secteur financier est un acteur central de la décarbonisation de la planète. C’est pourquoi nous avons investi dans Produbanco, la troisième banque commerciale privée en importance de l’Équateur, pour soutenir le financement de petites et moyennes entreprises locales et les prêts verts accordés à des projets locaux sobres en carbone, notamment des initiatives d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable visant à réduire les émissions de CO2 et à soutenir les mesures d’atténuation des changements climatiques.
La décarbonisation n’est qu’un chapitre de l’histoire
Bien que la décarbonisation soit essentielle pour éviter que la température n’augmente de plus de 1,5 °C, ce n’est évidemment qu’une partie de l’histoire. Il y a aussi un chapitre sur l’adaptation et la résilience, la nature et l’interaction entre progrès sociaux et prospérité économique. Chacun de ces thèmes est déterminant pour que l’histoire prenne une meilleure tournure, et pour faciliter le virage vers une économie sobre en carbone et créer un avenir plus durable pour les entreprises, les collectivités et la planète.